Conférence Françoise Denan : Victimes du travail

Une conférence sur la souffrance au travail sous l’angle des victimes et de leurs droits, dans le cadre de la semaine d’information sur la santé mentale

Comment la psychanalyse pense-t-elle le traitement des « victimes » du travail par la médicalisation et la judiciarisation ?

La psychanalyse s’intéresse à l’époque où évoluent les patients. Elle le fait avec ses outils – les mots –, en repérant l’apparition et l’insistance d’un terme dans le discours, que Jacques Lacan appelle un signifiant-maître. Un signifiant devient un maître lorsqu’il implique de traiter un problème d’une manière qui, pour n’être jamais énoncée, n’en est pas moins impérative. La langue produit une exigence dans laquelle le sujet se trouve pris à son insu de façon dommageable. Cela est vrai pour le sujet comme sur la scène sociale – d’où l’importance d’une lecture psychanalytique et politique des mœurs.

Par exemple, la « médecine du travail », créée en 1946, est remplacée en 2003 par le « service de santé au travail ». Le curseur s’est déplacé insidieusement du salarié malade au travailleur encore en bonne santé, c’est-à-dire du soin à la prévention. Le sujet souffrant n’a donc plus sa place au sein de l’entreprise. La « solution », qui n’est jamais dite comme telle, devient donc… de l’en extraire : l’arrêt maladie, mais aussi la rupture conventionnelle ou l’inaptitude sont couramment proposés. Pour autant, même si cela peut représenter une étape importante, sortir de l’entreprise n’est pas s’en sortir, soi. Le suicide au travail montre que la souffrance est restée intacte et que le sujet ne trouve parfois d’autre issue que de s’éjecter lui-même, de façon radicale.

Nous commenterons dans cette conférence un signifiant-maître qui résonne souvent dans l’espace public contemporain : celui de « victime ». Quelle est l’origine de cette victimisation de la souffrance au travail ? Quelle en est la fonction ? Et surtout, pour le travailleur, comment desserrer son identification à la victime ? Comment sortir de la langue de l’entreprise et pas seulement de ses murs ?

Conférence suivie d'une dédicace de l'ouvrage "Souffrance au travail et discours capitaliste" par l'autrice Françoise Denan